Élu poisson le plus moche du monde en 2013, le blobfish est célèbre auprès du grand public pour sa laideur. Il mérite pourtant d’être connu pour autre chose que son apparence. Logé au fond de l’océan Pacifique, au large de l’Australie, les scientifiques mettent tout en œuvre pour réussir à l’observer dans son milieu naturel. Une tâche rendue difficile par la profondeur des abysses où il vit.
Qui est donc le blobfish, ce poisson des abysses célèbre mais pourtant méconnu ?
Qui est le blobfish, ce poisson star ?
Le blobfish [Psychrolutes marcidus] est devenu célèbre en 2013 lorsqu’il a remporté le concours du poisson le plus laid du monde. Un concours organisé par « The Ugly Animals Preservation Society », une association humoristique britannique. La plupart des photos disponibles présentent ce poisson hors de l’eau, avec un corps mou et gélatineux sans oublier une tête rappelant un visage humain.
Une réputation injustifiée : le blobfish ne ressemble pas du tout à ça dans son milieu naturel.
Son habitat
Ce poisson abyssal est une espèce endémique d’Australie qui vit au large des côtes Sud-Est du pays et de la Tasmanie. Animal benthique, il évolue sur le fond, entre 600 et 1200 mètres de profondeur.
Sa morphologie
La morphologie du blobfish s’est adaptée pour vivre à cette grande profondeur où la pression de l’eau est environ 100 fois plus élevée qu’à la surface.
Là où la plupart des poissons osseux utilisent leur vessie natatoire pour assurer leur flottaison, le blobfish ne peut pas compter sur la sienne, atrophiée à une telle profondeur. À la place, le corps du blobfish est constitué d’os mous et d’une chair gélatineuse qui a une densité légèrement inférieure à celle de l’eau. Il peut ainsi se maintenir en flottaison juste au-dessus du fond.
Le blobfish tient son nom de cette caractéristique physique : « blob » signifie « mou » en anglais.
Hors de l’eau, c’est l’aspect de ce corps mou qui a valu au blobfish le surnom de poisson le plus moche du monde. Pourtant dans son habitat naturel, ce poisson abyssal d’une trentaine de centimètres de long n’a pas la même apparence. Elle se transforme sous l’effet de la décompression lorsque le blobfish est remonté à la surface.
Une victime collatérale de la pêche
Le chalutage de fond est pratiqué dans cette zone géographique de l’Australie. Espèce non comestible, certains spécimens de blobfish sont tout de même pris accidentellement dans les filets et remontés à la surface.
Les informations scientifiques disponibles sur cette espèce ne sont pas suffisantes pour évaluer précisément la menace posée par la pêche au chalut. Cependant, vu sa faible distribution géographique, le CSIRO (Commonwealth Scientific and Industrial Research Organization, Australia) considère dans une étude publiée en 2007 que la pêche au chalut pourrait faire peser un risque élevé sur la préservation de l’espèce.
À ce jour, l’espèce ne figure pas sur la liste rouge de l’UICN des espèces en danger.
Que sait-on de la famille du blobfish, les Psychrolutidae ?
Le blobfish est membre de la famille des Psychrolutidae qui contient une quarantaine d’espèces.
Une famille de poissons benthiques
La plupart de ces poissons se rencontrent sur les fonds océaniques, depuis des eaux peu profondes proches des côtes jusqu’aux profondeurs abyssales.
Les zones géographiques où ils se rencontrent sont l’Atlantique Nord, le Pacifique Nord et quelques zones spécifiques de l’hémisphère Sud (Australie, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud, Amérique du Sud).
Les poissons de cette famille vivent dans des eaux froides. Ce point commun est d’ailleurs celui dont ils tirent leur nom : Psychrolutidae vient du grec psychrolouteo, qui signifie « prendre un bain froid ».
Des traits de famille
Les membres de la famille du blobfish partagent certaines caractéristiques morphologiques.
La taille des Psychrolutidae varie de 30 à 65 centimètres.
Leur corps est allongé, en forme de têtard, de couleur brune à grise. Leur tête est très large et il peut parfois en partir des épines. Leurs yeux sont grands et très écartés l’un de l’autre.
Quelques secrets de famille encore bien gardés
Compte tenu de leur habitat, on sait encore peu de choses sur la biologie des membres de la famille Psychrolutidae.
Les espèces vivant dans les abysses océaniques se déplaceraient peu et privilégieraient donc un mode d’alimentation opportuniste. Celui-ci va de la neige marine provenant des couches océaniques supérieures à des gastéropodes passant à proximité d’eux.
Le mystère qui entoure leur mode de reproduction est encore plus grand. La période nécessaire pour atteindre la maturité sexuelle est supposée longue. En 2016, une espèce de Psychrolutes phrictus aurait été observée gardant ses œufs à proximité des côtes californiennes.
Qui sont les voisins abyssaux du blobfish ?
Parmi les autres espèces abyssales, on peut notamment citer :
- Des requins-lanterne : plusieurs espèces du genre Etmopterus ont été repérées dans ces eaux
- Des poissons-lanternes, du genre Myctophum
- Des raies, comme l’espèce Dipturus acrobelus (famille des Rajidae) qui vit à des profondeurs similaires à celle du blobfish
Poisson des abysses connu pour sa réputation de poisson le plus moche, beaucoup de choses restent encore à découvrir à son sujet.
En attendant de nouvelles observations, voici une rare vidéo d’un spécimen de Psychrolutes phrictus dans son milieu naturel, une espèce très proche du blobfish.
De quoi changer d’avis sur la prétendue laideur des espèces de cette famille.
Wayte, S., Dowdney, J., Williams, A., Bulman, C., Sporcic, M., Fuller, M., Smith, A. (2007) Ecological Risk Assessment for the Effects of Fishing: Report for the otter trawl sub-fishery of the Commonwealth trawl sector of the Southern and Eastern Scalefish and Shark Fishery. Report for the Australian Fisheries Management Authority, Canberra
A propos de l'auteur
Julie travaille dans le secteur culturel à Paris. Ses autres sujets de prédilection sont l'environnement, l'alimentation et la consommation responsable. Au sein de l'équipe Fishipedia, elle est en charge de la rédaction d'articles.